La Multi Ani!
Bonne année !
Je rencontre enfin Pascal et Daniela qui m’ont beaucoup aidé depuis le début dans la réalisation de mon voyage. Ils ont une agence de voyages, Tara Autentica, qui a pour but de faire découvrir l’essence de la Roumanie, celle proche des habitants et faire découvrir les traditions, les lieux caractéristiques, donner un regard authentique sur la culture roumaine.
Je visite le musée ethnographique de Gura Humorului qui est très bien agencé. On découvre sur le parcours, au travers d’objets et de vêtements de la vie courante d’hier et un peu moins d’aujourd’hui, les coutumes qui découlent des fêtes ou des rites de l’année.
Puis j’assiste au festival des traditions d’hiver de la même ville. Colinda, Malanca, Uratura (voir définition ci-dessous), défilés, sont les temps forts de ce petit festival.
Je rencontre Ionut, un Hutsul qui vit du tourisme rural avec sa famille. J’en profite pour lui poser des questions sur son ethnie et son regard sur la Roumanie.
PORTRAIT DE IONUT
Ionut, d’ethnie hutsule, vit dans les montagnes près de Moldovita. Il vit dans une ferme familiale où il reçoit des touristes et leur prépare des plats traditionnels hutsuls exclusivement composés de produits faits maison. Il propose notamment une gamme de sirops naturels qui ont des propriétés médicinales. C’est d’ailleurs autour d’un verre de sirop d’argousier que nous discutons. Les Hutsuls sont des montagnards, on les rencontre essentiellement dans les Carpates orientales, parfois très isolées. En Bucovine, on compte un peu plus de quinze villages hutsuls, ce qui correspond à environ 10 000 personnes. Il nous apprend que la cuisine hutsule s’est adaptée aux plats locaux. À l’origine, les Hutsuls fêtent Noël le 6 janvier, en correspondance avec le calendrier grégorien, mais certains se sont mis à le célébrer le 25 décembre comme les Roumains. Au sujet de la musique, ils utilisent beaucoup le violon, la droumba et la trembita ou encore le chant. Pour la trembita, ils ne jouent qu’une seule mélodie, à l’occasion des enterrements. Sinon, elle est utilisée pour communiquer d’une montagne à l’autre par le biais de sons courts. Chaque bergerie en possède une. La peinture sur œuf est aussi beaucoup pratiquée par ce peuple. Les Hutsuls n’entretiennent pas de liens forts entre les deux côtés de la frontière ukraino-roumaine. Ionut s’inquiète de la transmission de la langue qui se fait de moins en moins. Pour lui, il est essentiel de continuer à faire vivre sa culture et le rôle de l’enseignement est crucial dans la transmission des traditions. Grâce à ses études de tourisme et un master en administration et projets européens, il a pour objectif de monter un projet pour développer l’artisanat hutsul local.
Arrivé à la quatrième étape de mon voyage, Putna, un village de 3 500 habitants je visite, ici aussi, un monastère mais qui n’est pas classé. Celui-ci n’est pas peint à l’extérieur. Pour autant, il n’est pas moins important puisqu’il abrite la tombe du célèbre voivode (prince) Stefan cel Mare (Étienne le Grand), ce qui en fait un lieu de pèlerinage. Nous ne sommes qu’à quelques kilomètres de l’Ukraine.
Dans l’enceinte du monastère fortifié, l’on trouve un petit musée qui comprend de très belles pièces du Moyen Âge dont des broderies et des livres. Un peu plus loin, en revenant vers le centre, se trouve une petite église en bois qui date du XIVe siècle et qui pourrait être l’une des plus vieilles églises en bois d’Europe.
Le 31 décembre, j’assiste au spectacle de Malanca du village de Putna, en premier réalisé par les enfants, puis par les adultes. Ce sont des saynètes avec des personnages anciennement importants de la région. On trouve l’ours et son montreur, les Tziganes, les juifs, les bourgeois, les vieillards… C’est une manière de se moquer gentiment des grandes figures du village. Le spectacle de Malanca est typique des célébrations du passage à la nouvelle année en Bucovine.
Déambulent aussi des petits groupes d’Urature, enfants ou adultes qui déclament en vers des textes qu’ils ont eux-mêmes écrits. Ceux-ci décrivent les événements de l’année avec une pointe d’ironie. Chaque vers est accompagné d’un son de cloche. Pendant ce temps, d’autres enfants, munis d’une charrue miniature, tracent un sillon symbolique de fertilité au sol. Ensuite les spectateurs leur donnent quelques leis (monnaie roumaine). Ils passent ainsi de maison en maison.
Pour fêter la nouvelle année, nous avons eu le droit à quelques chants et danses roumaines et un deuxième spectacle de Malanca. Puis un double feu d’artifice.
Il fait nuit en face de la Maison de la culture, nous sommes entourés par la neige, la danse nous réchauffe et nous égaye dans l’attente du passage de la nouvelle année. Le froid est saisissant, -14℃.
Auteur : Florian Karoubi
N.B. : Toutes les photos appartiennent à Cultinera et ne peuvent pas être réutilisées sans autorisation.