Le maté est cette infusion de feuilles et de brindilles issues d’un arbre appelé yerba maté. Elle est la boisson nationale des Argentins. Ils sont en effet des millions en Argentine, mais aussi en Uruguay, au Paraguay, et dans le sud du Brésil, à en boire quotidiennement. Pour cause, ses vertus sont nombreuses et son rôle en Amérique du Sud est capital depuis des siècles.
.
Depuis les Guaranis :
Du plus loin que l’on puisse remonter quant à l’usage du maté, on sait qu’il faisait déjà partie du mode de vie des Guaranis, peuple précolombien vivant déjà à la croisée des frontières actuelles du Brésil, du Paraguay et de l’Argentine avant l’arrivée des Espagnols. C’est en pleine forêt vierge qu’ils avaient découvert cette plante à laquelle ils accordaient déjà de nombreuses vertus médicinales. L’importance de cette plante lui a même valu d’être utilisée comme monnaie d’échange avec les peuples voisins tels que les Incas.
Au XVIe siècle, lorsque les conquistadors arrivèrent au Paraguay, ils découvrirent que les indigènes consommaient cette plante sous forme d’infusion qui leur donnait de l’énergie. Trouvant cela suspect, l’Église en interdit l’usage pendant de nombreuses années, sans vraiment réussir à en éradiquer l’habitude des locaux.
Au XVIIe siècle, lorsque les Jésuites arrivèrent en mission au sein de la culture guarani, ils comprirent le rôle de la plante et ses bienfaits et, surtout, ils découvrirent un moyen de la cultiver, donnant à la plante le nom de « thé des Jésuites ». Cependant, chassés d’Amérique du Sud en 1767, ils emportèrent avec eux le secret de la culture de la yerba maté, les plantations furent abandonnées. Les feuilles se vendaient alors très cher, leur donnant le nom de « or vert des indios ».

C’est finalement au début du XXe siècle dans la région de San Pedro, au Paraguay, qu’a été redécouverte la méthode de germination des graines de yerba maté, donnant naissance aux grandes plantations modernes. Fritz Neumann, un Allemand installé en 1888 au Paraguay, découvrit que l’arbre ne poussait qu’à des endroits où vivaient certaines espèces d’oiseaux, principalement les toucans, qui en mangeaient les graines. En passant par l’intestin de ces oiseaux, les graines ramollissent, ce qui leur permet de germer. Il reproduisit le processus pour ramollir les graines dans un mélange de terre et d’eau dans des conditions spécifiques. En 1901, il faisait sa première récolte. Par la suite, les plantations se sont étendues à toute la région et jusqu’en Argentine.

.
Une récolte laborieuse :
Il s’agit d’un arbre qui peut atteindre une vingtaine de mètres de hauteur. La récolte est un travail très dur, physique et dangereux qui consiste à couper les branches sans abîmer l’arbre afin qu’il repousse au mieux l’année suivante. La plus grande partie de ce travail se fait à la main aujourd’hui encore. Les employés sont payés au kilo de branches coupées. Pour un kilo de maté à consommer, il faut trois kilos de feuilles brutes.
Après la récolte, suit la phase de séchage en deux temps, d’abord le sapecado, qui s’effectue directement au-dessus du feu. Le terme vient du guarani sa pe a qui signifie « ouvrir l’œil » : les feuilles sont composées de sortes de petites poches d’eau qui éclatent sous l’effet de la chaleur du feu, c’est ce processus qu’on appelle poétiquement « ouvrir l’œil » des feuilles de maté.
Puis les feuilles sont étendues sur une surface en bois où elles continuent de sécher à l’aide d’une chaleur indirecte pendant 12-15 heures. La saveur et la teinte d’une production dépendent de la durée de repos du maté après séchage. Enfin, elles sont broyées et conditionnées dans des sacs en toile.
.
Une préparation et une consommation au rôle symbolique :
Le mode de préparation des Guaranis s’est conservé jusqu’à nos jours, bien qu’il se soit modernisé. On utilise un bol ou tasse, souvent en bois, appelé maté, comme la calebasse traditionnellement utilisée par les indigènes. On y insère la bombilla, la paille en métal (qui remplace celle en roseau des Guaranis), qui comporte un embout avec une grille très fine afin de ne pas laisser passer les miettes de la plante. Puis la tasse est remplie aux deux tiers de maté.
Enfin, l’eau chaude entre 70 et 90°c est versée le long de la bombilla jusqu’à remplir la tasse complètement. Au fur et à mesure que l’on boit, on remplit à nouveau la tasse sans changer le maté. Le goût est très amer.
En Argentine, une journée commence par une tasse de maté, dans les milieux ruraux comme en ville. Dans certaines écoles, les élèves sont autorisés à boire le maté pendant les cours. Une tasse est préparée et remplie par un élève qui boit par la paille en métal puis chacun boit et la fait passer à un camarade. Le partage de la même paille fait partie du rituel, véritable symbole d’appartenance à la communauté. Cette tradition est transmise dès le plus jeune âge, de génération en génération.
D’ailleurs, si l’on en croit la légende de la yerba maté, un Guarani aurait un jour sauvé la déesse de la Lune du danger d’un félin s’apprêtant à la tuer. En remerciement, elle lui aurait donné une branche de yerba maté en lui indiquant de la faire infuser et de la partager pour faire régner la bonne entente. Son rôle social s’est conservé jusqu’à nos jours.
.
Les propriétés de la yerba maté :
Depuis l’origine, la plante est populaire pour ses vertus diurétique, antirhumatismale, laxative et stimulante, sans apporter aucune dépendance. Cela étant, ses qualités commencent seulement à être reconnues au niveau scientifique et international. Notamment, des études ont démontré que le maté favorisait la concentration.
De fait, une des premières vertus qui lui furent connues est l’énergie qu’elle procure. Cela vient notamment de la vitamine B dont la plante est chargée, permettant de mieux assimiler l’énergie contenue dans les aliments que nous ingérons. Mais aussi en xanthines qui ont un fort pouvoir énergisant, tant du point de vue cérébral que physique.
La yerba maté est aussi un antioxydant puissant grâce aux polyphénols qu’elle contient, augmentant les défenses naturelles de l’organisme et combattant le vieillissement cellulaire et donc les maladies dégénératives.
Source de minéraux tels que le magnésium et le potassium, elle a un rôle dans le bon fonctionnement du cœur et du corps dans son ensemble.
Enfin, dans les régions rurales, en très haute montagne, on voit encore des anciens mastiquer des feuilles de yerba maté fraîches, méthode venue des Guaranis qui permet de mieux supporter la pression atmosphérique.
.
L’usage de nos jours :
Certaines communautés guaranies continuent de pratiquer des rites autour de la yerba maté, l’utilisant dans leur relation aux dieux. En Argentine, le maté est la boisson la plus consommée après l’eau. Le pays compte à lui seul 170 000 hectares de plantations qui font vivre des milliers de producteurs et qui produisent environ 270 000 tonnes de maté par an. Des milliers de personnes encore ne vivent que grâce aux récoltes de maté. Pour cela, de nouvelles techniques de culture sont actuellement développées pour que les tailleurs soient plus efficaces. Cependant, les jeunes sont moins portés vers ce métier de cueilleur-coupeur si dur et bien souvent mal payé.
.
Auteur : Estelle Pautret
.
Pour aller plus loin :
- Le maté, l’élixir des argentins, collection Voyages et découvertes, 360° Géo, Arte, 43 minutes. Diffusé le 03/10/2017.
- « La légende de la Yerba Maté (conte Guarani) ». Ethnolatín, l’Amérique latine autrement. Disponible sur : http://ethnolatin.com/blog/2013/12/27/la-legende-de-la-yerba-mate/
- « La yerba maté ». Ethnolatín, l’Amérique latine autrement. Disponible sur : http://ethnolatin.com/lamerique-latine/argentine/
Crédits photographiques : CC by SA Barnimages, Dick Culbert, Phillip Capper, Luis Esnal, Papa Pic, Stefan Krasowski, Oliver dodd, Grotos, Tracyshaun, MGPanoramico, indigoMood, Luigi Guarino ; CC0 maxpixel.
Une réflexion sur « Le maté »