Me voici parti pour l’expérience suédoise avec une partenaire de danse qui me fait découvrir le pays qu’elle connait depuis longtemps. Je reprends l’avion après 3 ans sans y avoir mis les pieds. En arpentant les couloirs de l’aéroport, une sensation bizarre vient me chatouiller. Des souvenirs de nombre de mes voyages remontent à ma mémoire.
Nous atterrissons à Stockholm et tout de suite nous prenons un bus qui nous amène à Uppsala, un peu plus au nord. Là, nous sommes « accueillis » par une statue de danseurs sur la place, devant la gare. Nous y passons une nuit de transit avant de reprendre la route dès le lendemain.
Le comté de Jamtland
Nous voilà repartis en train. Il nous amène dans le comté du Jamtland, la dernière région au nord-ouest avant la Laponie. Le comté inclut plusieurs provinces dont une du même nom qui représente une province historique de Suède, berceau d’un dialecte suédois encore parlé par environ 50 000 personnes et où vivent les Samis.
Nous faisons une halte d’une nuit dans la capitale régionale, Östersund, ville très peuplée qui héberge plus de la moitié des habitants de la région. Je revois cette ville huit ans après, et en reconnais les allées verdoyantes et jalonnées de bouleaux. Cette escale nous permet de prendre nos marques et de nous organiser pour la suite.
Nous tombons sur un loppis, sorte de brocante avec des objets plus ou moins anciens et très bon marché.



A bord de notre véhicule de location, nous allons visiter l’île de Frösön et une de ses petites églises. C’est à ce moment que nous nous rendons réellement compte, avec une joie enfantine, que nous sommes en Suède.



La pluie repart et nous pousse à reprendre le volant pour rejoindre Föllinge, 45 km plus au nord, qui sera l’étape la plus septentrionale de notre voyage. Sur le chemin, lacs, forêts, épilobes, lupins, reines-des-prés se succèdent inlassablement sous une infinie de variations. Et peut-être même que des trolls nous épient de l’obscurité du sous-bois…



Nous restons 5 jours à Föllinge pour suivre un stage de danse traditionnelle suédoise qui a lieu pour la cinquantième et dernière année. Peut-être, est-ce là le signe de l’extinction de la transmission d’un répertoire de danse. Nous y pratiquons uniquement des danses de la région, autour de Föllinge.
Lors des pauses, nous découvrons les fikas, moment social essentiel de la culture suédoise qui consiste à partager des petits casse-croutes ou gâteaux variés qui ravissent nos papilles.


Le fika est un des composants culturels du Lagom, un adverbe suédois réputé comme intraduisible qui définit l’art de vivre à la suédoise : se réjouir des plaisirs simples de la vie et vivre dans la modération. Le terme, fréquemment utilisé, s’emploie dans des contextes très variés, désignant généralement que le sujet dont il est question est « dans la mesure où il doit être », ni trop, ni pas assez ; le reflet du style de vie suédois dont le but est d’atteindre le bien-être dans le contentement et l’équilibre optimal des choses telles qu’elles sont.
A Föllinge, nous côtoyons principalement des Suédois, des Américains et des Hollandais. Nous sommes logés dans une très belle maison typiquement suédoise, tout en bois avec de grands espaces.





Je rentre peu à peu dans le style si fluide et sensuel de ces polskas particulières, scottish et hambos du Jamtland. Les polskas sont des danses issues de Scandinavie et dont on trouve une impressionnante variété en Suède où, dans certaines provinces, chaque commune revendique sa propre variante.
La luminosité du soir nous accompagne jusque tard dans la nuit claire, puisque le soleil ne se couche pas en cette saison estivale. Ces faisceaux de lumière dorent la végétation et les maisons rouges qui doivent leur couleur aux mines de cuivre de Falun, un site classé à l’UNESCO pour être l’une des plus grandes et probablement la plus ancienne mine au monde, exploitée entre le IXe siècle et 1992.



Pour clôturer le stage, nous assistons à un concert dans l’église protestante du village où j’ai le plaisir d’écouter pour la première fois du jojk, un chant sans paroles issu des traditions chamaniques du peuple sami. Une pure beauté !! Puis on laisse place aux violons qui voient leurs archets s’agiter aux côtés de l’accordéon qui se laisse entendre ponctuellement.



Quelques jours de repos s’offrent à nous et nous permettent d’être plus attentifs aux paysages qui malgré leurs ressemblances gardent toujours leur aspect méditatif et ressourçant. Je suis fasciné par les ciels qui arborent toutes les teintes de gris, dont un gris bleuté qui est l’un des symboles du Jamtland, et se reflètent dans les mille et un lacs, tels des miroirs.



Nous faisons la tournée des loppis, ce qui nous donne l’occasion de quelques échanges avec la population locale. A notre dernier arrêt, nous rencontrons une des montures du père Noël (un renne), d’un marron très sombre avec des bois immenses sur sa tête. Il semble égaré et hésitant. Il se rapproche, seulement à quelques mètres de nous, marque un arrêt et repart de là où il est venu. La démarche du renne est toute particulière. Il se déplace très près du sol comme s’il voulait faire le minimum de bruit. Plus tard, nous apprenons qu’aujourd’hui les Samis, éleveurs de rennes, transportent ces animaux en camion pour les amener dans les alpages, ce qui fait que ces cervidés ont parfois des difficultés à retrouver leur chemin s’ils se perdent.


Le dernier soir, nous sommes invités à rejoindre les musiciens pour prendre un thé de minuit. Nous ne nous méfions pas des heures qui passent, car même en plein milieu de la nuit, la lumière extérieure est là. Ici, l’été, ce sont les nuits blanches comme en Russie.
Nous restons quelques jours chez Beret, l’enseignante en danse du stage, à la campagne avec une vue imprenable sur un lac entouré de bois. Une petite chienne en guise de compagnon arpente avec moi la campagne du Jamtland. Entre deux balades, j’ai la chance de pouvoir discuter de la danse suédoise et de la pédagogie avec Beret.
Jusqu’à présent en termes de nourriture nous avons eu essentiellement des pommes de terre, de la viande dont de l’élan chassé localement, du poisson dont une grande variété de sauces accompagnent les mets, car elles sont très appréciées. En revanche, peu de légumes et de fruits sont là pour compléter nos assiettes.
Le comté de Dalarna et le lac Siljan
Nous reprenons notre carrosse pour nous rendre sur les bords du lac Siljan. Il s’agit d’un énorme lac — un des plus grands parmi les nombreux lacs dont regorge le territoire — abritant plusieurs îles, situé dans le Dalécarlie (Dalarna en suédois), autre province historique (dont le comté reprend les frontières) de la Suède, considérée comme le berceau culturel du pays, notamment très connue pour nombre de danses traditionnelles, d’où le fait que je connaisse beaucoup de noms de villes locales dont les polskas portent les noms pour y avoir été collectées (Orsa, Boda, Rättvik…).
Nous nous arrêtons à Leksand, petite ville du bord du lac, dans la très belle demeure familiale d’Inga. C’est une magnifique maison bourgeoise de la fin du 19e-début 20e siècle qui nous fait sauter directement dans le passé.





Inga se décarcasse pour nous montrer les plus beaux coins de la ville et des alentours ; centre-ville, musée de plein air avec de très vieilles maisons en bois, église à bulbes – ce qui est étonnant pour le pays, car typiquement russe plutôt – et son cimetière bercé par les clapotis des vagues du lac Siljian.




Elle nous emmène également dans une banque régionale, fondée en partie par l’un de ses ancêtres, qui met l’accent sur l’identité de la région. On y trouve des photos sur les traditions locales et des livres sur le costume.


Dans la soirée, nous allons dans les alpages qui sont caressés par la douce lumière du soir et où l’atmosphère est toute particulière. De très vieilles maisons en bois sont disposées çà et là, parfois totalement abandonnées depuis des dizaines d’années, mais qui semblent tout de même habitées.



Il est difficile pour nous de changer de l’argent. Les Suédois sont très en avance sur leur temps, ils sont à l’heure de la numérisation ! Ils utilisent leur téléphone pour payer tout ce qu’ils achètent, même un particulier qui vend des objets d’occasion se sert d’un QR code pour ses paiements.





Les Suédois sont un des derniers pays (avec le reste de la Scandinavie, le Maghreb, Madagascar et les Etats-Unis) encore fans du tabac à chiquer. On met une petite boule de tabac contre sa gencive supérieure et la salive permet d’assimiler la substance. Un homme d’un cours de danse me propose d’essayer. J’accepte timidement. Moi qui ne consomme ni tabac ni alcool, au bout de quelques minutes j’ai la tête qui me tourne et je manque de m’effondrer par terre. 😊
Nous rejoignons un stämma (rencontre en suédois) près de Malung (Rihämiki) où musiciens et danseurs se rejoignent pour un concert en pleine forêt. Après une route qui se finit presque en piste de terre, nous arrivons sur le lieu, un peu en hauteur avec une jolie vue sur la forêt et un lac. Beau moment de musique face à l’immensité !



Nous essayons le kolbulle, aussi appelée le fika du bûcheron ou littéralement « galette au charbon », autrement dit une sorte de pâte à pancakes mélangée avec du lard et cuite dans la graisse dans une petite poêle en fonte sur un feu de bois. On y verse une confiture aux airelles par-dessus.
Encore une expérience de coucher de soleil assez fantastique ! Au moment de quitter les lieux, vers 22 h, le soleil couchant est présent. Il nous accompagnera tout le long de notre trajet, c’est-à-dire pendant deux heures. Les paysages se teintant de couleurs tantôt chatoyantes, tantôt pastel qui se laissent refléter dans les lacs dont se dégage une brume à l’aspect mystérieux incroyable.



Nous reprenons la route pour Furudal où nous allons suivre un cours intensif de préparation à un examen de danse. Les concours et les examens n’ont jamais été mon truc, mais cela me permet d’approfondir ma pratique afin de les danser au plus proche d’un style et d’une technique particulières et ainsi intégrer des outils et un langage corporel nouveaux. Entre les cours, avec les autres stagiaires, nous passons de bons moments à discuter, à rigoler, à faire des grillades de saucisses tant que l’on ne se fait pas dévorer par les moustiques. Certains piquent une tête dans le lac pour se revitaliser et se délasser.


Petit dicton suédois sur les moustiques : « Tu en tues un et des centaines viendront à ses funérailles. »
En parallèle, nous allons à deux soirées organisées dans le village voisin de Boda, dans une maison tout en bois, d’un village reconstitué. J’y découvre un super groupe de musique norvégienne ainsi que leur fameuse danse Rorospols, danse très festive et joyeuse que l’on m’apprend directement sur le parquet. Les autres groupes suédois locaux jouent essentiellement Orsapolska, Rättvikpolska, Bingjö… Un vrai régal pour les oreilles !
Dernière étape du voyage, nous retournons dans le Jamtland chez Eva et André, un couple franco-suédois. Un peu de woofing / de travail à la ferme me fait le plus grand bien en plus des balades à vélo et en barque pour récupérer les poissons (perche) coincés dans les filets.


En cette période estivale, les températures n’ont pas excédé 25 °C. Cette bouffée d’air frais m’a fait du bien surtout lorsque j’apprends qu’en France elles ont dépassé les 40 °C.
Au moment où je monte dans l’avion pour retourner en France, il se met à pleuvoir, un arc-en-ciel se dessine entièrement, j’en vois la totalité, et un deuxième pointe le bout de son nez en parallèle du premier. Lors de l’envol, l’arc-en-ciel nous suit dans notre ascension.
Auteur : Florian Karoubi
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