Une petite histoire du levain

Le levain, c’est une « culture de micro-organismes sélectionnés que l’on introduit dans les produits à fermenter (pâte à pain, moût de brasserie, etc.) en vue de maîtriser la fermentation » (Larousse). Il existe différents levains car il peut se développer sur une base de plantes, de champignons ou autres matières organiques. Celui présenté ici, c’est le levain panaire, qui sert à réaliser le pain au levain.

Qu’est-ce que le levain ?

Le levain de panification est un organisme vivant, mélange d’eau et de farine dans lequel se développe une culture symbiotique de levures et de bactéries lactiques. Ce qui donne vie au levain, c’est la fermentation. En l’absence d’oxygène, le glucose se transforme en éthanol (alcool) et en dioxyde de carbone. C’est le même procédé qui transforme le raisin en vin et le moût en bière. Puisqu’il est vivant, le levain doit être régulièrement nourri d’eau et de farine : on dit qu’on le rafraîchit.

Les débuts du levain

La découverte du levain n’est pas certaine : Hébreux, Babyloniens ou Égyptiens pourraient en être à l’origine. L’histoire la plus répandue est la suivante : sur les bords du Nil, entre 4 000 et 5 000 av. J.-C., un mélange d’eau, de lait et de farine d’orge et de millet aurait été oublié. La pâte a fermenté, gonflé, et pour ne pas la gâcher, a été cuite. Ce serait donc le hasard qui aurait fait naître le premier pain au levain.
Le levain a une dimension symbolique. Dans la religion orthodoxe, on utilise un pain levé lors de l’eucharistie : lors de la Cène, le pain aurait été Artos, c’est-à-dire levé. A l’inverse, dans la liturgie catholique, il s’agit d’un pain azyme, sans levain (Azymos) car la Cène aurait eu lieu à Pâque. Lors de Pessah, la Pâques juive, on consomme aussi du pain azyme : lors de sa fuite d’Egypte, le peuple juif n’aurait pas eu le temps de faire lever la pâte et n’aurait donc pris que du pain cuit sans levain.
Au XIXe siècle, Pasteur découvre les bactéries, champignons et autres micro-organismes. Ses travaux montrent que la levure génère une fermentation en milieu anaérobie, c’est-à-dire en l’absence d’oxygène.

Levure et levain : quelles différences ?

Pour le levain, les ferments sont des micro-organismes naturellement présents dans les matières premières. Il donne une fermentation lactique lente et digeste. La levure de boulanger ou Saccharomyces cerevisiae, également appelée levure de bière, est un champignon. Elle donne une fermentation alcoolique plus rapide.
En panification, à partir du milieu du XIXe siècle, le levain est progressivement abandonné au profit de la levure. Un pain à la levure est plus vite levé, plus volumineux, en somme plus vite produit, moins contraignant. Le levain est aussi dépendant de la température, de la qualité de la farine et de l’eau, autrement dit de plusieurs paramètres non toujours maîtrisables qui ont contribué à son remplacement par un produit plus pratique tel que la levure. Aujourd’hui, le pain au levain a de nouveau le vent en poupe. Certains boulangers combinent levure et levain dans leur recette : ajoutée en petite quantité, la levure accompagne alors l’action du levain.

Les bénéfices du levain

Comme la fermentation au levain est lente et lactique, le gluten est mieux digéré. On parle de lactofermentation qui représente une forme de pré-digestion, permettant ainsi de réduire l’apport en glucides dans le corps et en fibres, d’où une meilleure digestion du gluten. Le levain favorise également l’assimilation des minéraux par l’organisme (fer, zinc, magnésium) en dégradant l’acide phytique présent dans les céréales. Globalement, la fermentation apporte des probiotiques naturels bénéfiques à notre système immunitaire et à notre microbiote intestinal.
Le levain permet également une meilleure conservation du pain grâce à l’acidité qu’il apporte. Enfin, c’est un formidable exhausteur de goût !

L’entretien du levain

Le levain est vivant : il faut le rafraîchir de temps en temps, et surtout avant utilisation pour avoir un levain dit actif. Rafraîchir son levain, c’est l’entretenir régulièrement en le « nourrissant » d’eau et de farine, tous les 3 jours environ. Pour 20 g de levain, on lui ajoute 20 g de farine et 20 g d’eau, voire on peut doubler ou tripler les quantités d’eau et de farine. La farine choisie peut être de blé ou de seigle, de type T80 ou T110, et bio de préférence. Un levain tout juste nourri va progressivement fermenter, prendre en volume et buller.

Le levain peut être conservé au frigo, ce qui permet de ralentir sa fermentation et de ne pas avoir à le nourrir trop souvent. Il peut facilement être conservé au frais pendant une semaine sans être rafraîchi. Si le levain n’est pas entretenu pendant longtemps, un petit liquide noir apparaît à sa surface : il s’agit d’une petite couche de protection, il faut jeter ce petit liquide et nourrir son levain.

Utilisation du levain

On pense tout de suite au pain au levain, qui retrouve petit à petit ses lettres de noblesse. Le levain peut également être utilisé pour confectionner d’autres types de pâtes à pain : pâte à pizza, focaccia, buns, pains matlouh… N’oublions pas les brioches, kouglof, panettone et fouace.
Si c’est un levain actif qu’on met dans nos pâtes à pain, le levain « écarté », qu’on a en trop et qu’on ne va pas rafraîchir, peut servir à la réalisation de pancakes, crackers ou gâteaux en tous genres.


Recette de pain au levain pétri à la main

Ingrédients :

■ 500 g de farine T65, ou un mélange de farines, par exemple 350 g de T65 et 150 g de T110, de petit épeautre, etc.
■ 350 g à 400 g d’eau, idéalement filtrée
■ 9 g de sel fin ou gros sel
■ 100 g de levain actif

Généralement, le levain se transmet : certaines boulangeries en donnent avec plaisir si l’on ramène son petit contenant. Autrement, pour réaliser son propre levain, il faut s’armer de patience car le procédé prend une bonne semaine.

Préparation :

■ Mélangez la farine et l’eau pour réaliser une autolyse d’une heure. Recouvrez d’un torchon.
La température joue un rôle primordial dans la confection du pain au levain. En effet, le total des températures de l’eau, de la farine et de l’air doit atteindre 70 °C. Vous allez jouer sur la température de l’eau pour obtenir la température idéale.
■ Ajoutez ensuite le levain et le sel, laissez reposer 30 minutes.
■ Commencez à pétrir en essayant d’incorporer de l’air dans votre pâte. Celle-ci colle de moins en moins et prend de la force. Cette étape prend quelques minutes.
■ Laissez reposer 45 minutes. Puis, réalisez un premier rabat en soulevant votre pâte pour la rabattre sur elle-même. Au total, réalisez trois rabats, avec 45 minutes de pause entre chaque.
Par temps froid, vous pouvez booster la pousse de votre pâte, appelée pointage, en la disposant près d’un radiateur par exemple. La température idéale, c’est 20-25 °C.
■ Laissez pousser votre pâte pendant quelques heures sous un torchon humide avant de la façonner (en boule, en baguette, en bâtard).

■ Disposez votre pâton sur une plaque, dans un banneton ou dans un saladier recouvert d’un linge. L’apprêt, qui peut durer facilement une dizaine d’heures, se déroule au frigo.
■ Passez à la cuisson, idéalement en cocotte ou sur une pierre réfractaire, dans un four préchauffé à 250 °C. Avant d’enfourner, n’oubliez pas de grigner votre pain au scarificateur. En croix, en polka, en pithiviers, choisissez votre motif !
Pour aider à la formation de la croûte, ajoutez des glaçons dans une plaque placée en amont dans votre four. Création de vapeur garantie !
■ Après 30 minutes à 250 °C, puis 30 minutes à 200 °C (sans le couvercle pour une cuisson à la cocotte), vérifiez la cuisson du pain en tapotant le dessous de la miche. Cela doit sonner creux. Disposez enfin votre pain sur une grille et écoutez-le chanter.

Auteure : Héloïse BEAUDET


Pour aller plus loin :

● Parmentier Antoine Augustin (1737-1813), Le parfait boulanger, ou Traité complet sur la fabrication et le commerce du pain. Disponible sur : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5823829n/f1.item
● Dewalque Marc, Levains, Seconde Mouture. Disponible sur : https://levainbio.com/cb/levains/category/chapitres/
● “Qu’est-ce que le levain ? Histoire et définition du levain”, Les Céréales, 21/09/2020. Disponible sur : https://www.lescereales.fr/gastronomie/quest-ce-que-le-levain-histoire-et-definition-du-levain
● “Vilain levain”, podcast de Valérie Zanon. Disponible sur Deezer, Spotify, Apple Podcasts, YouTube.

Crédits photo : (c) Héloïse Beaudet

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