Orient mal connu, craint, rêvé… les mystérieuses et splendides terres iraniennes ont toujours été l’objet du fantasme des Occidentaux. Son histoire plusieurs fois millénaire a vu naître l’écriture, se développer quelques-unes des plus grandes civilisations au monde telle que la Perse qui fut terre d’élection de nombreuses religions (zoroastrisme, christianisme, manichéisme, bouddhisme, islam). Nous l’aurons compris, l’Iran, culturellement encore appelé la Perse, a profité d’un multiculturalisme entretenu par sa position au carrefour des territoires et des civilisations qui a fait sa richesse jusqu’à aujourd’hui.
Dès nos premiers pas en Iran, nous sommes agréablement accueillis. À l’aéroport, l’homme qui nous délivre les visas est visiblement heureux de recevoir des touristes français. Discuter de l’Euro de football en dégustant des biscuits au safran et à la pistache, voilà notre première approche culturelle. Lorsque nous le quittons, il serre la main de Florian mais s’excuse auprès d’Estelle de ne pouvoir en faire de même pour elle ; par tradition musulmane, hommes et femmes ne sont pas autorisés aux contacts physiques dans les lieux publics.

Shiraz
Shiraz, ville-oasis au centre du pays, est située sur le vaste plateau central qui regroupe toutes les villes importantes du pays : Ispahan, Kashan, Téhéran et Yazd.
La province de Fars dont Shiraz est la capitale fut le centre de la dynastie achéménide – la première grande dynastie royale de l’Empire perse entre les VIe et IVe siècles av. J.-C. Ancienne étape de la Route de la soie, cette ville constitue de longue date un point stratégique entre le golfe Persique et le nord du pays. La douce Shiraz, que l’on nous a souvent dit être appréciée pour sa douceur de vivre, reste la capitale culturelle du pays, haut lieu d’art et de littérature.
Nous visitions la citadelle Karim Khan devant la grande place centrale où, aux heures où le soleil est au plus haut, il n’y a pas d’ombre qui vive… Le palais fut construit par le grand souverain perse Karim Khan Zand qui fit de Shiraz sa capitale. Sa citadelle de terre, parée de hautes murailles et de tours crénelées, révèle des salles de réception à l’origine fort décorées mais aujourd’hui assez endommagées.
Nous découvrons un peu plus loin la mosquée du Vakil au décor floral raffiné, dans de douces teintes rosées. Vakil est un titre qui signifie « régent ». C’est de ce nom qu’on désignait le souverain Karim Khan qui avait refusé le titre de shah d’Iran. Il est à l’origine de la construction de cette mosquée en 1773.
L’architecture des mosquées d’Iran est particulière, différente de celle des autres pays musulmans : bien souvent, il ne s’agit pas d’un bâtiment fermé mais d’une cour encadrée de colonnades. Sur un côté, on trouve la salle de prière. En général, chaque pan de mur ou colonnade s’orne d’un portique décoré appelé iwan. Celui tourné vers la Mecque est en général particulièrement orné. On parle de mosquée à iwan. Exception qui confirme la règle, la mosquée du Vakil ne comporte que deux iwans, le portique d’entrée, rose et à décor floral, et le portique de la salle de prière.
Nous traversons le bazar dit du Vakil, attenant à la mosquée. Ce sont quatre grands ensembles coupés par des rues et couverts de voûtes de briques décorées qui forment ce bazar organisé.
Après la visite de la mosquée et du bazar, on se retrouve dans le trafic dense des rues en heure de pointe. Le contraste est saisissant entre architectures islamiques grandioses et la poussière des ruelles dont on ne sait si elles sont en construction ou en ruines. Ainsi est Shiraz, oasis du désert aux architectures contrastées…
Étant donné la chaleur et le doux mode de vie de Shiraz, nous ralentissons notre rythme. Dans un pays aussi désertique, on comprend l’importance des jardins, particulièrement nombreux dans les villes. Par ailleurs, le terme paradis tel qu’on le connaît dans les langues latines occidentales vient directement du persan et signifie littéralement jardin. Les jardins persans sont en général enserrés dans de hauts murs qui les protègent du sable et de la poussière du désert, dissimulant de nombreux bassins et fontaines à l’ombre d’arbres et de plantes variés aux agréables senteurs. À Shiraz, on peut citer le populaire Jardin botanique d’Eram et le Jardin de l’Orangerie.
Nous nous rendons au tombeau d’Hafez qui a son propre jardin. En émane une grande sérénité dont nous nous imprégnons, au gré des fontaines et du bruissement léger du vent dans les arbres. Un élégant mausolée révèle la tombe d’albâtre du poète, gravée de ses vers. Hafez (1324-1389), comme Saadi – autre grand poète persan, est né à Shiraz. Il sut établir un équilibre parfait entre monde terrestre et monde céleste, entre homme et nature dans ses poèmes. Il est même considéré comme le maître du ghazal (poème d’amour). Son œuvre monumentale est Le divan, connue et adorée des Iraniens. D’ailleurs, tous connaissent au moins quelques vers qu’ils aiment citer. Son tombeau est un véritable lieu de pèlerinage culturel pour les Iraniens.
Un après-midi, nous pénétrons dans le mausolée de Shah Cheragh escortés chacun d’un guide anglophone portant une écharpe indiquant « International Affairs ». Estelle doit suivre les femmes pour se couvrir d’un large et ample voile tombant jusqu’aux pieds, appelé tchador. Nos protecteurs nous accompagnent durant toute la visite pour nous expliquer les manières de se comporter sur le lieu saint et son histoire. Les styles architecturaux se côtoient avec harmonie dans ce complexe religieux qui abrite un mausolée du XIVe siècle où sont déposées les reliques du frère de l’Imam Reza, Seyyed Mir Ahmad, mort à Shiraz en 835.
L’immense salle de prière vient d’être refaite à neuf. Les pièces jouxtant la salle de prière principale sont recouvertes d’éclats de miroir, dans lesquels on ne peut pas se voir, afin de se concentrer sur sa foi. L’effervescence des femmes juste avant la prière du soir, dans la partie qui leur est réservée, est impressionnante : certaines prient déjà avec beaucoup de ferveur, d’autres lisent le Coran, d’autres encore discutent. Le bourdonnement autour de la sépulture est encore plus étonnant. Tout le monde se bouscule pour toucher le sarcophage enveloppé de colonnes et de grilles d’argent en psalmodiant des prières et en demandant la rémission des pêchés.
Des familles entières viennent ici se reposer sur les tapis, à l’intérieur, ou dans les cours extérieures, ils peuvent rester là toute la nuit à discuter, à lire entre eux ou avec un chef spirituel. En somme, c’est un véritable lieu de rencontre et d’échange.
Après nous avoir offert le thé au bureau des Affaires Internationales, Sina, le guide de Florian nous propose de l’attendre après la prière. Avec un ami, Iman, ils nous emmènent à la porte du Coran, anciennement la seule porte d’entrée et de sortie de la ville où l’on passait et passe toujours sous le Coran niché au-dessus d’une arche, pour que le voyageur emporte avec lui la protection divine. Sur les hauteurs de la ville, nous dinons d’un petit sandwich iranien aux falafels avec la ville parsemée de petites lumières à nos pieds qui nous sert de panorama et au son de quelques tamtams perdus dans l’obscurité.
Un homme s’approche tenant, d’une main une petite boîte pleine de papiers colorés pliés en deux, de l’autre une perruche. Il nous propose de lui tendre un petit billet, en échange de quoi la perruche nous tire un papier qui se révèle être un extrait de poème de Hafez :
« Le meilleur moment de ma vie est avec mon ami.
Ceci est le meilleur et le reste est ennuyant pour moi. »
Une expérience tant amusante qu’émouvante, l’occasion pour nos protecteurs de nous citer quelques poèmes sur un ton solennel.
Les Iraniens adorent se retrouver en familles, entre amoureux ou entre amis dans les parcs et jardins ou même sur les pelouses qui bordent la route, jusque tard le soir pour profiter de la fraîcheur de la nuit.
Nous goûtons une paludeh, glace locale de consistance filandreuse à base de farine de riz. Elle se déguste mélangée à un sirop de rose le plus souvent ou encore avec du sirop de citron ou de fraise.

Où que nous allions, le nom de Florian, Karoubi, crée une effervescence. Hasard de l’histoire, c’est en effet le nom d’un politicien contemporain.
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Aventure nomade dans les monts Zagros
Un matin de bonne heure, nous partons avec Hossei pour rencontrer des nomades d’ethnie Qashqai dans les monts Zagros aux alentours de Shiraz.
Les montagnes au climat plus tempéré que celui du plateau sont en effet des terres opportunes pour les troupeaux de moutons et de bovins des différentes tribus semi-nomades du pays, que l’on aperçoit l’été lors de leur transhumance.
Les Qashqai (ou Kachkaï) forment un ensemble de douze tribus semi-nomades parlant turc qui vivent essentiellement dans la province du Fars (Shiraz). Ils passent l’hiver près du golfe Persique où le climat est assez doux et, l’été, après Norouz (fin mars), ils montent dans les hauts pâturages entre Shiraz et Ispahan.
Après deux heures de route, nous arrivons à notre campement, près du village de Komehr. Contrairement à ce que nous imaginions, ce dernier est à proximité de la route et il n’y a qu’une famille. En fait, ces dernières parsèment la montagne, profitant de ces vastes territoires pour s’y étendre.
Chez nos hôtes, le père est berger, la mère s’occupe du foyer et ils ont des jumeaux de onze ans. Leurs grands yeux nous observent, fascinés de curiosité face à la différence de culture que nous leur apportons.
Nous passons la fin d’après-midi à nous promener dans les montagnes. L’air est frais, les grillons chantent, quelques tentes éparses seulement montrent un signe de vie dans cette nature puissante et imposante. Lorsque nous revenons au campement, nous attendons que la famille soit au complet, les moutons parqués, et le repas prêt pour dîner. Une poule de la steppe cuite en ragoût s’accompagne de pommes de terre, de tomates et d’oignons. Un yaourt aigre, préparé dans les heures précédentes, est mangé en même temps. Enfin, la sauce de la poule sert de soupe dans laquelle on plonge des morceaux d’un pain plus fin qu’une crêpe. Comme boisson, nous dégustons le thé traditionnel.
Après une calme soirée sous la tente principale, nous rejoignons notre tente préparée pour notre coucher. Dormir à côté du troupeau de moutons parqués dans la fraîcheur des montagnes est une expérience inédite pour nous.
Au petit matin, nous retrouvons la famille pour le petit déjeuner composé de leurs productions : des œufs brouillés accompagnés de miel et de fromage ainsi que de la pastèque. Un délice nouveau des papilles !
Sur le chemin du retour vers Shiraz, notre guide fait un détour pour nous montrer la cascade Margoon. Ce lieu est pris d’assaut par les familles iraniennes pour sa fraîcheur. Tapis sous le bras, marmites remplies de plats cuisinés en mains, ils viennent passer la journée au bord de l’eau.
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Persépolis
Nous invitons notre nouvel hôte, Mohsen, à visiter avec nous Persépolis. À 75 kilomètres de Shiraz en direction du désert, la chaleur y est étouffante, même à 17 h 30 passés. Le fait est que les deux points d’eau du pays, le golfe Persique au sud et la mer Caspienne au nord, sont bordés de chaînes de montagnes, le Zagros au sud et à l’ouest et l’Alborz au nord, qui empêchent la fraîcheur d’atteindre le vaste et haut plateau central, région semi-désertique qui constitue la moitié de la superficie du pays.
Sous Darius Ier, grand conquérant de la dynastie des Achéménides, l’Empire perse est à son apogée. On parle de l’empire de la démesure face à son étendue de 5 millions de kilomètres et sa richesse. Ce roi fait construire à partir de 518 av. J.-C. une nouvelle capitale, à Persépolis. Capitale d’apparat, l’immense complexe palatial que représente Persépolis n’héberge la famille royale que lors des grandes célébrations de l’empire. En l’occurrence, pour le Nouvel An perse, Norouz, les différentes délégations ainsi que les représentants des provinces devaient se rendre à Persépolis pour prêter allégeance à leur souverain et apporter leurs tributs. Ce sont ces scènes que l’on retrouve sur les bas-reliefs encore bien conservés du site.
Aujourd’hui, on peut encore admirer les éléments de pierre de cette architecture monumentale. Persépolis reste l’une des plus importantes créations urbanistiques de l’histoire.
Au retour, une alléchante variété de plats typiquement iraniens cuisinés par la mère de Mohsen fleurit la table. Comme nos expériences futures nous l’ont confirmé, nous découvrons que les plats iraniens se composent essentiellement de riz (en tous genres : au safran, sucré, aux herbes), de pain et s’accompagnent souvent de viande en sauce.
Auteurs : Estelle Pautret et Florian Karoubi
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N.B: les photographies sont la propriété de Cultinera et toute reproduction est interdite sans autorisation préalable.
Bonjour,
Votre séjour et les photos datent de quand ?
Cordialement
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Bonjour,
Le carnet de voyage sur l’Iran se réfère à un voyage effectué cet été au mois de juillet. Pourquoi?
Cordialement
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